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Bleu-vert

Où se trouve la limite entre le vert et le bleu ? Je ne parle pas de turquoise ou cyan comme intermédiaire, mais bien de la perception qu'on a du « milieu » entre deux couleurs.

En tombant sur le test ismy.blue, je me suis rappelé les fréquents débats que j'ai avec ma compagne sur le sujet. Il est donc temps pour moi de « trancher » la question une bonne fois pour toutes.

SPOILER : ça ne sera pas tranché dans cet l'article... C'est plutôt une amorce de réflexion.

1. Le test

1.1 Mes résultats

Mon résultat au test : teinte 189 soit plus bleu que 98% de la population

En faisant le test, je tombe sur une limite à 189, soit plus bleu que 98% de la population, tandis que ma compagne tombe sur 161, soit plus vert que 96% de la population. Rien d'étonnant alors à ce qu'on ne tombe jamais d'accord sur la couleur de quelque-chose !

1.2 Biais potentiels

Mais évidemment, la couleur calculée par un ordinateur peut être déformée par plusieurs facteurs :

  1. la donnée émise
    1. le système de l'ordinateur (ex. : filtre de lumières bleues type Redshift) ;
    2. l'écran (ex. : qualité, calibrage) ;
  2. la donnée reçue
    1. les spécificités oculaires du sujet (ex. : daltonisme, dichromatisme) ;
  3. l'interprétation de la donnée
    1. les spécificités neurologiques (atypismes, niveau de développement des parties du cerveau s'occupant de l'interprétation des couleurs, etc.)
    2. le contexte personnel (l'environnement du test, le context sociologique, ou la neuroplasticité qui fera qu'une exposition visuelle préalable particulière pourrait affecter l'expérience).

J'imagine même que quelqu'un atteint de synesthésie pourrait aussi potentiellement être influencé par ses éléments déclencheurs s'ils sont percevable avant ou en même temps que l'expérience. Ce serait donc un contexte personnel influencé par une spécificité neurologique. Mais ça reste une simple supposition.

Je ne vais pas pouvoir théoriser sur tous ces thèmes bien au-delà de mes compétences.

1.3 Biais expérimentés

J'ai refait le test le lendemain, à un autre moment de la journée et avec des conditions de luminosité naturelle différente (soleil et ciel couvert, matin et soir). Je semble toujours tomber sur le même résultat (avec une marge d'erreur de 3).

En revanche, je constate un décalage un peu plus notable dès que je désactive mon filtre de lumière bleue : je passe de 189 à 178. Le décalage réel de la couleur affichée à l'écran est sans doute beaucoup plus important, mais j'imagine que mon cerveau s'adapte en partie au fait que tout l'environnement subit ce gros décalage, et il compense donc partiellement.

2. Analyse théorique

Ceci est le fruit de mon exploration. Ça part un peu dans tous les sens et mon manque de connaissance ainsi que la complexité des sujets ne permettra pas d'aller « jusqu'au bout ».

2.1 Vocabulaire

Disque chromatique TSV/HSL
source : Wikipedia

Dans cet article, je parle indifféremment de couleur ou de teinte, mais prenez bien en compte que j'ignore ici toutes les informations de saturation et de luminosité (selon l'espace colorimétrique TSL) pour uniquement m'intéresser aux valeurs du disque chromatique représentant les valeurs de teinte selon TSL.

Ci-contre, le disque en question, où les lettres désignent les 6 teintes (ou couleurs) primaires correspondant aux espaces colorimétriques des synthèses additives et soustractives :

2.2 Nom des couleurs

Beaucoup de couleurs ont un nom. Rien qu'en regardant entre vert et bleu, on en trouve beaucoup. Les 2 principales qui ont une signification particulière :

  • le Turquoise désigne toutes les nuances intermédiaires entre le bleu et le rouge. C'est donc un terme général, même si dans certains contextes, il pourra désigner une teinte ou une couleur précise.
  • le Cyan désigne la couleur précise servant de couleur primaire en synthèse soustractive pour l'imprimerie.

Mais on a aussi :

2.3 Le milieu optique par RVB et CMJN

Vu qu'il existe de nombreux bleus différents, verts différents et turquoises différents, il convient de choisir où commencer et terminer notre échelle. En première intuition, cibler les couleurs primaires de RVB pour choisir notre bleu et notre vert semble pertinent.

Logiquement, le juste milieu entre les deux tombe alors sur le cyan de CMJN. On le voit à leurs valeurs en RVB et CMJN (récupérées sur colorhexa) :

Nom En RGB En CMJN Longueur d'onde
Vert (0,1,0) (1,0,1,0) 549,2 nm
Cyan (0,1,1) (1,0,0,0) 490 nm
Bleu (0,0,1) (1,1,0,0) 464,3 nm

Par contre l'intermédiaire linéaire des longueurs d'onde ne tombe pas tout à fait juste :

(Vert+Bleu)2=(549,2+464,3)2=506,75>490=Cyan

Mais ce calcul suppose que l'échelle des longueurs d'onde a un impact linéaire sur notre perception des couleurs, ce qui n'est probablement pas le cas.

Je n'ai hélas par réussi à trouver de source sur le sujet qui réponde clairement à cette question de cette potentielle non-linéarité (en tout cas des sources que j'étais en mesure de comprendre).

2.4 En biologie

2.4.1 Types de photorécepteurs

Disque chromatique TSV/HSL
source : Wikipedia

Les photorécepteurs (récepteurs de lumière) de nos yeux, appelés cônes, sont de 3 types chez l'humain. Si on laisse de côté les atypismes comme le daltonisme, on peut trouver les sensibilités approximatives de chaque type.

Le problème : ces valeurs varient grandement selon les sources. Une fourchette compilée à partir de divers sources :

  • cônes B (basses longueurs d'onde) : entre 430 et 500 nm (bleu)
  • cônes V (moyennes longueurs d'onde) : entre 460 et 530 nm (vert)
  • cônes R (grandes longueurs d'onde) : entre 510 et 600 nm (rouge)

De plus, les couleurs turquoises excitent 2 récepteurs à la fois (V et B), donc :

  • une longueur d'onde de 480 nm excitera ces récepteurs de la même manière que les 2 longueurs d'ondes 430 et 530 nm. Sauf que 530 nm excitera plus le 3ème récepteur (R) que 480, ce qui peut causer un décalage supplémentaire (c'est d'ailleurs ce qui justifie la forme bizarre de gamut).

2.4.2 Non-linéarité de perception

Comme dit plus plus haut, je n'ai pas trouvé de source (que je comprenne) sur le sujet, mais je sens bien que lorsqu'on voit un dégradé de teinte (comme celui derrière la courbe plus haut), certaine couleurs semble épouser une plage plus large que d'autres).

Mais percevons-nous tous réellement une même répartition du spectre des couleurs ? Je vois par exemple une plage de jaune très réduite, une verte et une bleue assez grandes et similaires, puis une violet relativement réduite.

J'amerais beaucoup apprendre et comprendre plus de choses sur cette notion, donc si vous avez des notions sur le sujet, n'hésitez pas à me contacter.

Conclusion

En résumé, je sais déjà pourquoi on a du mal à se mettre d'accord avec ma compagne : nos interprétations semble aux deux extrémités du spectre présenté par le test.

Je sais aussi qu'il n'est pas évident de définir ce qu'est le milieu entre 2 couleurs. Il existe diverses manières précises et scientifiques de le faire (moyenne de longueur d'onde, valeur selon un espace colorimétique ou un autre).

Mais c'est sans compter sur la façon bien particulière qu'a notre corps (oeil et cerveau) de fonctionner et d'amener du subjectif. Et ce sans nécessairement parler de biais ou d'atypisme.

Alors, le milieu entre deux couleurs, c'est quoi selon vous ?

Keep thinking and dig on!